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Le Festival du vivant, 2015.icon

Group Shows - Galerie Claude Samuel, Paris.

Le Festival du vivant, VITA NOVA, prend place au sein du programme européen Synenergene, consacré à la biologie de synthèse. Ce processus, porté par 23 partenaires, réalise des rencontres et manifestations afin de permettre au grand public de découvrir et questionner les possibilités biotechniques. Synenergene fait partie des plans de mobilisation et d’apprentissage mutuel (MMLAP) pour la recherche et l’innovation responsables (RRI) soutenus par l’Union européenne (UE) et se déroule de juillet 2013 à juin 2017. L’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne porte le volet français. Celui-ci est conçu comme une spirale avec une implication progressive des parties prenantes concernées, intéressées, éloignées. Des partenaires (espaces d’innovation sociale, lieux culturels, grandes écoles, institutions, ONG…) ont été mobilisés pour soutenir cette dynamique au sein du Comité de prospective. VITA NOVA a été conçue comme une rencontre artistique, citoyenne et scientifique. VITA NOVA s’inscrit dans un ensemble d’autres manifestations : Colloque DYBio et Biologie synthétique (26 juin 2015), les BOULLIMICS (de novembre 2015 à mars 2016), QUESTIONS DE VIES (d’octobre 2015 à avril 2016) etc


La rencontre met en scène les œuvres d’une quinzaine d’artistes ou designers du vivant : David Guez, ORLAN, Catherine Nyeki, Carole Collet, Claude Cehes, Mael Le Mée, Sarah Garzoni, Maud LC, Louis Rigaud, Catherine Voison, Golnaz Behrouznia, Marion Orfila, Matthias Schmitt. Virginie Thibaud y apporte sa contribution théâtrale. Elle s’articule selon deux pôles, l’interdépendance des organismes et la fabrique des « artefacts », au sens de produits artificiels réalisés par l’homme. Il s’agit d’explorer les différences et les similitudes entre la créativité du vivant, la créativité technique et la créativité artistique. Jouant ainsi entre les possibles et les fantasmes, chacun pourra dialoguer et s’interroger.

 

« Bon gré mal gré, du fait de la biologie, nous accédons à un autre monde – et qui ne sera sans doute ni le meilleur ni le pire. L’aspect le plus troublant de ce proche futur est assurément celui qui touche à la modification intentionnelle de l’homme par l’homme, soit qu’on utilise les méthodes de sélection naturelle, soit qu’on agisse directement sur les acides nucléiques, déterminateurs de l’hérédité…. Cette « anthropotechnique » n’est peut-être pas pour demain, mais elle viendra, inutile de chicaner sur les détails. Il y a un sens de la biologie comme il y a un sens de l’histoire. L’être humain ne peut s’empêcher qu’il n’en vienne tôt ou tard, à se regarder comme un simple matériau natif, dont il s’appliquera à tirer le meilleur parti, comme aujourd’hui il s’applique à améliorer la qualité d’un acier ou d’un caoutchouc. » Jean Rostand, Inquiétudes d’un biologiste, Paris, Gallimard, 1967.

 

Comment considérons-nous les organismes vivants, dès lors qu’on les instrumente et qu’on les modifie ?  Que deviennent nos corps, nos existences, nos élevages ou animaux de compagnies, nos écosystèmes dès lors qu’ils sont remaniés, hybridés, connectés ? Quelles cohabitations entre organismes naturels et « artificiels » sont possibles, souhaitables ?  Pour quels projets et quel monde commun ?


Ce vivant qui nous tient Le grouillement des bêtes, les formes et astuces du monde vivant nous prennent aux tripes. Concernés car enchâssés dans le monde vivant, nous n’en finissons pas d’explorer ses myriades d’inventions. Insectes invisibles dans les feuilles, parasites manipulateurs, bactéries colonisatrices de tous les milieux et de notre propre corps, virus tueurs ou protecteurs, molécules flexibles, machineries cellulaires… Fascinant et inquiétant à la fois, ce monde s’enrichit d’inventions biotechnologiques en tout genre. Lapins fluorescents, brebis clonées, levures productrices d’huile de palme, d’antipaludéen ou de morphine, tomates transgéniques, algues à biocarburants, bactéries synthétiques mangeuses d’arsenic, arbres luminescents… sont au menu des jours futurs. Car la biologie de synthèse déploie des outils puissants de remaniement des génomes pour pousser plus loin le « design à façon » des organismes vivants, amorcé avec l’ingénierie génétique des années 1970. De la domestication du vivant au vivant synthétique…


Métamorphoses synthétiques Les usines vivantes sont-elles vouées à remplacer nos manufactures mécaniques et chimiques pour répondre à nos besoins en énergie, santé, alimentation, dépollution ? À l’heure où nous cherchons des solutions soutenables pour l’innovation, le recours aux organismes vivants renouvelables implique-t-il de les « doper », de les recombiner, de les muter, ou d’en construire de nouveaux ? L’ampleur des projets de la biologie de synthèse et les enjeux de cette industrialisation du vivant, ou « bioéconomie », impliquent que chacun puisse appréhender le futur qui se prépare dans les laboratoires 

D’autant que les tensions ne vont pas manquer de se manifester tant sur les ressources disponibles – avec les arbitrages nécessaires entre destinations alimentaires ou industrielles – que sur les terres avec la frénésie des accaparements des espaces fertiles de la planète.


Pour envisager les choix techniques qui s’offrent à nous, il importe de les repérer, de les comprendre et de les mettre en contexte. Partir des expériences de chacun avec le monde vivant : relations avec la nature, les animaux, le corps (naissance, santé, sport, handicap…). Confronter ces attachements aux situations à venir quand les robots s’animeront, les hybrides bioélectriques se multiplieront, les champs et les mers abriteront des espèces artificielles… S’interroger sur nos « biopouvoirs » et penser leurs effets : comment mangerons-nous demain ? Que seront nos élevages et nos champs ? Quelles réparations ou améliorations ferons-nous à nos corps, à nos enfants à venir ? Pourrons-nous revenir en arrière ? 

 

 

Organisation 

 

La rencontre VITA NOVA est réalisée par l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne (chargés de mission Dorothée Browaeys et Jean-Jacques Perrier, coordination Bernadette Bensaude-Vincent) dans le cadre du programme européen Synenergene.

 

Cette manifestation est portée par le groupe curatorial composé de Maud Louvrier-Clerc, Mael Le Mée, Emmanuel Ferrand, avec l’appui de Fabienne Marion, Josselin Barbay, et de nos partenaires : AgroParisTech, Sup’Biotech, UP’Magazine, Biotech.info 3.0, le Daume ; et le soutien du comité de prospective : Frédéric Tournier, master J2CS (journalisme culture et communication scientifiques), Université Paris Diderot – Gilles Truan, coordinateur du GDR Synbio, INSA Toulouse – Vanessa Proux, directrice de Sup’Biotech – Laurent Rosso, directeur adjoint AgroParisTech – Christophe Hespel, Proviseur Ecole Boulle – Carole Collet, Professeur de design et futurs soutenables. Directrice du laboratoire Design & Living Systems, Central Saint Martins University of the Arts, Londres – Thomas Landrain, biologiste et fondateur de La Paillasse – Quitterie Largeteau, biologiste et médiatrice des sciences, Biohacking Safari, La Paillasse – Paule Pérez, éditrice, Temps Marranes – Bastien Perdriault, resp. prix Art-Science Paris universitaire Strate Ecole de design – Rémi Sussan, Internet-actu, FING – Emmanuel Ferrand, La Générale – Stéphanie Couvreur et Pauline Dorkel, La Diagonale, Fondation coopération scientifique Paris-Saclay – Monique Bolotin-Fukuhara, IGMORS, Université Paris-Sud – Fabienne Marion, directrice d’UP Magazine – Etienne Maclouf, chargé de mission Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) - Mattéo Metzagora, directeur de l’espace Pierre Gilles de Gennes (ESPCI), association Traces.

 

 

AXE INTERPEDANCES par sa commissaire d’exposition Maud Louvrier Clerc

 

À l’heure où le monde vivant connaît sa 6ème extinction, avec une baisse très rapide de la diversité de ses espèces, n’est-il pas urgent d’interroger la notion d’interdépendance ? Comme le souligne l’écologue Franck Courchamp dans le documentaire Planète corps : « Les interactions de notre corps avec les organismes qui le colonisent nous obligent à reconsidérer notre place dans la nature. (...) Virus nous sommes, bactéries nous sommes, cellules nous sommes, animaux nous sommes, et c’est bien ça qui nous rend humains. Si les passagers de notre corps décident en permanence de notre destin, n’oublions pas que nous sommes nous-mêmes les passagers d’un corps géant, la Terre, et que nous influons sur son destin.»


L’émergence de la biologie de synthèse entraîne de nombreuses questions scientifiques, économiques, sociales, éthiques et politiques. Connaître et comprendre les constituants élémentaires du vivant pour les réorganiser par l’ingénierie moléculaire : le programme est vaste, il peut faire rêver ou faire peur. Fabrication de biocarburants, réparation de l’ADN, création de cellules…, cette nouvelle biologie a comme but de concevoir et construire de nouveaux systèmes biologiques aux fonctions contrôlées, s’ils peuvent l’être… ou des êtres artificiels confinés, si cela est possible ? Ici l’interdépendance devient un point névralgique. Interdépendance du passé et du futur, des êtres vivants entre eux et avec leurs milieux de vie, de l’homme et de la machine, du corps et de l’âme, du son et du mouvement… Au sein de l’archipel du vivant, la communication est incessante et génératrice de sens.


Chaque artiste invite à découvrir un écosystème artificiel créé ou réagissant à chacune de nos interactions. Il donne à vivre des expériences : faire marcher des plantes (Still Human, de Mathias Schmitt), rencontrer des êtres chimériques (Connexa Viva, de Golnaz Behrouznia), dessiner des paysages d’énergie microscopique (Partitions et Mimetika, de Catherine Nyeki), matérialiser les âmes vivantes (Protocole JEMONDE, de Maud LC), déclencher une perte de repères (L’Orée délocalisée, de Marion Orfila), ou offrir une possibilité de communication avec le futur (Caméra 2067, de David Guez).  Sont ainsi proposées des fenêtres d’entrée, des chemins de traverse pour réinterroger le monde vivant et les relations que nous avons tous avec lui.